Avec gluten ou sans gluten ?

dstarenkyjDanièle Starenkyj© – En 1992 se tenait à Paris le premier Congrès international sur les allergies. En 1995, cette maladie se hissait au 6e rang mondial. Maintenant, elle est au 4e rang, et depuis 2000 le phénomène est souvent présenté par les médias sous des titres chocs : « L’épidémie d’allergies », « Le fléau mondial », « Une menace pour tous », « Planète allergie ».

À partir de 2011, l’allergie au gluten semble avoir volé la vedette aux autres allergies (poussières, acariens, arachides, noix, produits laitiers) et s’être imposée en Amérique du Nord et en Europe comme l’allergie la plus ravageuse, cause non seulement de l’épidémie d’obésité, mais aussi des multiples désordres digestifs dont souffrent les Occidentaux.

Ce phénomène, que de nombreux nutritionnistes n’hésitent pas à qualifier de mode, a donné lieu :

   1. à l’invention d’une pyramide alimentaire sans gluten, et 2. au développement important d’une industrie de produits sans gluten.

1. La pyramide alimentaire sans gluten

C’est la plus populaire. Elle élimine non seulement les céréales à base de gluten mais toutes les céréales, qu’elles soient entières ou raffinées.
Dans les pyramides alimentaires de longévité traditionnelles, les céréales entières ou hydrates de carbone complexes, parce qu’ils sont le macronutriment légitime fournisseur d’énergie (glucose), sont placés à la base.
Dans la pyramide alimentaire sans gluten, ce sont les viandes, les poissons, les œufs, les fromages, les noix, les graines, qui prennent place à la base.
Ensuite, la pyramide est remplie de fruits et de légumes. On y voit aussi de l’huile, et dans la pointe des légumineuses.
En fait, il s’agit d’un régime riche en gras et en protéines, faible en hydrates de carbone.

Nombreux sont ceux qui y voient une nouvelle version du régime Atkins, ou du régime paléo.
L’effet bénéfique d’un tel régime se situe au niveau de l’élimination complète des produits à base de sucre et de farine raffinée (gâteaux, biscuits, pâtisseries, craquelins, brioches, croissants, etc.), des aliments transformés industriellement, de la restauration rapide (fast food), et un apport important en légumes et fruits frais.

2. L’industrie alimentaire des produits sans gluten

Elle est en pleine expansion et très lucrative. Les produits offerts, substituts de ceux qui comportent du gluten, sont de 200 à 400% plus chers.
Aux États-Unis, en 2012, ce marché a rapporté 4,2 milliards de profit, et les projections pour ce secteur sont une augmentation de 10% chaque année jusqu’en 2018.
La mention « sans gluten » sur des produits commerciaux comme le riz soufflé (Rice Krispies), la sauce tomate (Ketchup), la bière, la vodka, le dentifrice, des produits de maquillage, la pâte à modeler, les biscuits, pains, pâtes, etc. semble être associée dans le public à la notion d’un produit plus sain, ce qui justifie un prix plus élevé.
On trouve même des hosties sans gluten ou à très faible teneur en gluten.

On remarque cependant que de nombreux produits sans gluten ne sont absolument pas santé : ils sont l’exemple même de produits transformés, industrialisés, et carencés.

Pourquoi l’allergie au gluten ?

Je vous propose pour répondre à cette question de vous pencher sur certaines statistiques de la consommation alimentaire en France en 1880 et en 1980.

En 1880, le Français consomme :
600g de pain complet ou bis par jour
18 kg de viande par année
13 kg de sucre par année
178 kg de pommes de terre entières (statistique de 1925)
7 kg de légumineuses par année
peu de fromage, beurre et lait

En 1980, le Français consomme :
172 g de pain blanc par jour (84g pour les femmes statistique 2012)
110 kg de viande par année
58 kg de sucre par année
90 kg de pommes de terre (statistique de 1975)
1 kg de légumineuses par année
13 kg d’œufs par année
18 kg de fromage par année
9 kg de beurre par année
21 kg de yaourts (statistique 2012)

Ces chiffres démentent que l’allergie au gluten, semble-t-il si répandue aujourd’hui, soit la conséquence d’une consommation dangereuse de pain fabriqué avec un blé trafiqué et rendu « toxique ».

L’alimentation actuelle est définitivement caractérisée par un taux élevé de produits animaux riches en protéines et en graisses, faible en céréales complètes et légumineuses, et très élevé en sucre (desserts, boissons sucrées, plats préparés, produits transformés, alcools).

La progression de l’allergie au gluten semblerait inversement corrélée à la diminution des céréales complètes, des légumineuses, des pommes de terre entières, et à l’augmentation des viandes, des produits laitiers, et du sucre.

Mais alors, qu’est-ce l’allergie au gluten ?

L’allergie au gluten est une grave allergie qui, historiquement, aurait son origine en Irlande où dans l’ouest de ce pays. Une personne sur 300 souffre de la maladie cœliaque, alors qu’en Angleterre elle touche une personne sur 8000.

On sait que les Britanniques, dès le XVIIe siècle, ont eu l’habitude de donner très tôt, en lieu et place, ou en complément au lait maternel, le fameux « pap », une bouillie de pain diluée avec de l’eau ou du vin, à des bébés dès leur naissance.

En France, on parle de la panade, et en 1783, De Chaubry décrit cet aliment pour nourrisson comme « le plus dangereux des aliments pour enfants » et « la cause de la mort d’un grand nombre d’eux, laissant les autres infirmes et malades pour la vie ».

Médicalement, en cas d’allergie au gluten, une biopsie de l’intestin grêle, dans la zone cœliaque de l’intestin, révèle une abrasion des villosités intestinales. Ces dernières ont pour rôle d’augmenter la surface d’absorption des éléments digérés et nécessaires à la vie : les protéines, le fer, le calcium, etc.
C’est la fabrication d’anticorps contre le gluten qui cause la destruction de ces villosités, ce qui entraîne un état de dénutrition chronique avec anémie, arrêt de croissance, fonte musculaire, douleurs intestinales violentes, diarrhées sanglantes et vomissements, particulièrement chez l’enfant.

En effet, la maladie cœliaque, c’est ainsi que se nomme l’allergie au gluten, peut se déclarer très tôt chez le nourrisson qui n’est pas allaité ou qui reçoit rapidement des bouillies à base de farine de blé, d’orge, d’avoine, ou de seigle.

Un bébé naît vulnérable, et avec un tube digestif complètement immature. Celui-ci tout d’abord aseptique, doit être colonisé par des bactéries saines, puis protégé contre l’invasion de bactéries pathogènes et de virus.

Il doit aussi être jalousement gardé contre les protéines étrangères qui ont la capacité, jusqu’à ce que l’intestin de l’enfant sécrète de lui-même suffisamment d’anticorps (IgA), de traverser la muqueuse intestinale et de se retrouver intactes dans son sang.

Le tube digestif d’un bébé est anatomiquement et immunologiquement totalement immature pendant les 6 à 12 premières semaines de sa vie, et n’atteint sa maturité que vers 9 mois, certains auteurs parlant d’une pleine maturité seulement à deux ans. Certainement jusqu’à 9 mois, la muqueuse intestinale risque littéralement de boire (on parle de pynocytose) les protéines dans le but d’absorber sans les digérer, donc sans les transformer, la plus grande quantité d’anticorps qui doivent, selon le dessein de la nature, provenir du lait maternel, et ainsi assurer à l’enfant la plus forte immunité. (Les anticorps sont des protéines.) La muqueuse intestinale du nouveau-né de perméable doit, avec le temps, devenir imperméable.

L’absence d’allaitement maternel prolongé, et son corollaire obligatoire, l’introduction immédiate ou précoce, d’un lait animal, ou même végétal, et de bouillies de céréales, sont sans aucun doute la toile de fond des allergies alimentaires.
L’ingestion énorme, répétée, et continue de protéines étrangères alors que le tube digestif de l’enfant est encore perméable entraîne rapidement la formation dans le sang du bébé d’anticorps correspondant au lait animal, au jus d’orange, à l’œuf, au soja, à la viande, aux bouillies, aux pommes, même au fluor présent dans l’eau, comme le découvraient Truelove et Jewell dès 1975. Lorsqu’ils sont introduits entre zéro et trois mois dans l’alimentation du bébé, le corps les considèrent comme des antigènes, des substances étrangères, et il lui arrive, hélas, de ne pas changer d’idée.

Cela nous amène à la réalité des intolérances alimentaires

qui ne sont pas des allergies, mais qui entraînent néanmoins beaucoup de malaises, et même de souffrances physiques et psychologiques.

En effet, ces intolérances, vont activer le système immunitaire et produire des changements métaboliques.

Une fonction intestinale altérée – la muqueuse intestinale n’est plus une frontière mais une passoire – et une immunité défaillante favorisant une inflammation chronique de l’intestin, peuvent aussi découler de :

la consommation de plus en plus abondante de produits issus de l’industrie alimentaire, ces produits étant toujours chargés de conservateurs, additifs, colorants, édulcorants, d’épaississants, etc. ;

la monotonie des habitudes alimentaires : on mange toute l’année les mêmes produits transformés, et on ne profite pas de la variété offerte par les saisons ;

l’usage quotidien de l’alcool qui inverse l’action du tube digestif de façon à ce que celui-ci, au lieu d’absorber les nutriments d’une alimentation riche en végétaux, se met à sécréter des sucs qui forcent l’expulsion des aliments hors de l’intestin grêle, avant même que leurs nutriments aient été absorbés. Les effets intestinaux de l’alcool sont beaucoup plus répandus que ses effets délétères sur le foie ;

l’exposition moderne et presque chronique aux antibiotiques, hormones, insecticides, etc.

Ces effets généralement cumulés sur de nombreuses années augmentent la perméabilité de l’intestin qui laisse alors passer des protéines non dégradées que le système immunitaire va reconnaître comme des corps étrangers. La consommation quotidienne d’aliments mal ou pas tolérés constitue un stress chronique pour le corps, et cela d’autant plus que les aliments non tolérés sont souvent ceux dont on raffole le plus. C’est ainsi qu’ils deviennent pratiquement comme une drogue, et entraînent une dépendance.

Avec ou sans gluten ?

En soulageant le corps des effets délétères des produits raffinés, sucrés, riches en gras, et chargés de substances chimiques, la mode du sans gluten, certes, fait du bien à bien des gens pendant un certain temps.

Il faut reconnaître que pour tout le monde, le renoncement à tous ces gâteaux, biscuits, bonbons, craquelins, et autres produits industrialisés à base de farine blanche, ne peut que procurer un soulagement aux malaises que leur causaient ces produits très artificiels : excès de calories produisant un surpoids ; excès de sucre déclenchant l’hypoglycémie et ses multiples maux dont la fatigue, l’irritabilité, l’anxiété, etc. ; excès de gras et ses conséquences : durcissement des artères, taux de cholestérol élevés, diabète, entre autres.

Pour tous, le retour à la santé, quelque soit le problème, reste définitivement, le retour aux aliments entiers, non transformés d’origine végétale. Pour se faire, nul besoin de produits industrialisés étiquetés sans gluten.

Il n’y a qu’à se réjouir de la variété des aliments disponibles aujourd’hui, et, abandonner les céréales à base de gluten (blé, seigle, orge, avoine), si on craint que ce soit là que se situe le problème, pour se tourner vers les céréales sans gluten : le riz complet, le millet, le maïs, le sarrasin, le quinoa, et autres grains antiques. Des peuples entiers, depuis des millénaires, ont développé d’étonnantes civilisations avec une nourriture à base de grains entiers avec gluten ou sans gluten.

Cependant, en ne perdant pas de vue que la cause première d’une allergie au gluten, ou d’une intolérance au gluten, se situe dans un intestin poreux, enflammé, et sensibilisé, l’effort logique doit tendre à apaiser cet organe indispensable pour une saine nutrition.

Selon plusieurs spécialistes des allergies et/ou intolérances alimentaires, l’allergie première est celle aux protéines bovines (caséine particulièrement) liée à l’introduction des produits en contenant dans l’alimentation du bébé entre zéro et trois mois, mais pour certains, zéro et six mois, et d’autres, zéro et neuf mois. Le choix de donner au bébé du lait de soja en place du lait maternel ou du lait de vache peut avoir le même effet.

L’intestin agressé par ces protéines étrangères sera entravé dans sa maturité, et pourra alors développer une allergie aux céréales comportant du gluten, mais aussi à n’importe quel autre aliment.

Il faut donc faire marche arrière : éliminer les protéines bovines (produits laitiers, bœuf, veau), éliminer les céréales avec gluten, et, remède vieux comme le monde, compter sur les effets anti-inflammatoires du charbon activé qui exerce sur l’intestin « une couche protectrice » et lui permet de guérir.

Si on soupçonne une allergie au gluten, il est impérieux de subir le test qui établira l’existence d’une maladie cœliaque, et d’une façon absolue, de renoncer aux produits qui comportent du gluten. Les efforts pour retrouver la santé seront couronnés d’autant plus de succès que l’on aura aussi mis de côté résolument, les produits laitiers.

S’il s’agit d’une intolérance, le seul bon mouvement est la décision de ne consommer que des aliments entiers, non transformés, d’origine végétale, parmi lesquels figureront les céréales sans gluten : millet, sarrasin, maïs, riz.

Finalement, pour la très grande majorité de ceux qui souffrent de malaises gastro-intestinaux, la bonne nouvelle est que le corps se répare pour peu que l’on choisisse de vivre les simples lois de la santé au quotidien.

Danièle Starenkyj© 2015
www.publicationsorion.com

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RÉFÉRENCES
Pour une saine alimentation du bébé, de la conception au sevrage, voir DEVENIR PARENT de Danièle Starenkyj, ORION, 2014.
Pour une étude approfondie des allergies, voir ENFIN MINCE du Dr É. Colmant, ORION, 2010.
Pour un emploi judicieux du charbon activé dans les désordres gastro-intestinaux, voir MON PETIT DOCTEUR de Danièle Starenkyj, ORION, 2012.
Pour découvrir les lois de la vie, voir LA SANTÉ TOTALE de Danièle Starenkyj, ORION, 2009.

ON PEUT TROUVER LES LIVRES DE DANIELE STARENKYJ : site  www.sfb.fr