LE MAL DU SUCRE : Une histoire noire

dstarenkyjDanièle Starenkyj © 2013
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Depuis longtemps, pour établir la grande valeur d’une chose, on la compare à l’or :
– l’or noir, le pétrole
– l’or rouge, l’énergie solaire
– l’or vert, les ressources procurées par l’agriculture
– l’or bleu, l’eau.
On parle même en Europe de l’or blanc : la neige des sports d’hiver.
Mais il était un temps où l’or blanc, c’était

le sucre; celui qui venait du Nouveau Monde et qui, selon un proverbe danois, a ruiné l’Ancien Monde mais aussi, on le sait, le Nouveau Monde.

Le sucre, depuis les XVe et XVIe siècles, constitue un problème multidimensionnel avec des effets personnels (sur la santé physique, mentale et morale) et des effets mondiaux (sociologiques, environnementaux, économiques) exactement comme le tabac, le cola, le pavot, le café, le cacao…
Préambule au gigantesque commerce sucrier des XVIIe et XVIIIe siècles, la culture du sucre a débuté dans les «isles bienheureuses», Madère et les Açores, où, pour la première fois, apparaissent déforestation massive, anéantissement de l’écosystème local, massacre de la population autochtone, réduction à l’esclavage, pour y établir la première révolution industrielle et la naissance de la première des grandes compagnies sucrières.

Bientôt, les côtes du Brésil, découvert en 1500 par les Portugais, se couvrent des premières plantations de sucre outre-Atlantique. Là aussi, les Indiens sont décimés et contraints pour survivre, de s’enfoncer dans les terres et les forêts. Face à l’étendue des nouveaux territoires, les capacités de production sucrière sont décuplées et le besoin d’une main-d’œuvre abondante met en place les premiers transports d’esclaves du continent africain vers le continent américain. Ce sont les débuts de la traite négrière dans laquelle s’enrôlèrent à la suite du Portugal, la Hollande, l’Espagne, l’Angleterre et la France.

En 1668, Louis XIV prend possession des Antilles. Les ports de La Rochelle, Nantes, Bordeaux et Saint Malo en France se spécialisent dans la traite des Noirs. Paris se prend de passion pour les «isles à sucre». Les grands cuisiniers intègrent généreusement cette épice si douce et si savoureuse à leurs recettes et la pâtisserie prend son essor véritable. Le sucre sort de la confidentialité des palais pour adoucir les tables des grandes maisons.

Signe des temps : Richelieu enlève aux apothicaires le monopole du commerce du sucre (le sucre «remède») et ils perdront aussi celui du tabac (le tabac «remède») en 1810 quand Napoléon établira sur des bases légales, le monopole exclusif de l’État sur le tabac.

La base de l’économie occidentale est alors l’esclavage et les précieux cristaux blancs deviennent le moteur principal du commerce international et l’enjeu des guerres. Les Antilles et le continent américain ne cesseront, pendant plus d’un siècle, d’être le théâtre de batailles navales et de guerres coloniales.
En 1763, lors du traité de Paris avec les Anglais, la France préfère conserver ses précieuses «isles à sucre» antillaises plutôt que ses «quelques arpents de neige» dans les territoires canadiens.

Ces quelques arpents de neige, le savons-nous ?, c’est le Québec. Pour l’or blanc, le sucre, on a sacrifié cet autre or blanc, la neige… Mais bien sûr, à cette époque, la neige ne se mangeait pas et le ski de loisir n’existait pas encore.

Depuis, le Québec, politiquement et socialement, souffre du mal du sucre©… Et il n’est peut-être pas pure coïncidence que soit sorti ici, au Québec, en 1981, un livre «Le mal du sucre» qui a bouleversé le monde francophone par la révélation que le sucre était une substance chimiquement pure dont la prise répétée créait un état de dépendance psychique et physique à l’égard de ses effets. La dépendance au sucre, jusque-là niée, est devenue une réalité incontournable. Les populations francophones ont pu réaliser que plus on mangeait de sucre, plus on avait envie d’en manger et lorsque l’on en manquait, on devenait rapidement agressif ou dépressif.

Le mal du sucre© a été le mal du XXe siècle et il sera aussi celui du XXIe siècle. On ne place plus le sucrier sur la table et les ménages n’achètent plus le sucre au kilo mais l’industrie agroalimentaire a pris la relève et elle absorbe la majeure partie du sucre produit dans le monde, ce qui entraîne une consommation per capita annuelle de 70 kilos de sucre.

La lutte contre le sucre tourne maintenant autour d’un ennemi déguisé : quoi de plus doux? Caché : tous les aliments industriels en contiennent. Publicisé : avec insistance auprès des enfants et des adolescents, une clientèle de choix qui, on le sait, restera fidèle à l’âge adulte.

On se lamente des ravages visibles du sucre : le diabète avec 150 millions de malades dans le monde; et l’obésité avec une génération d’enfants américains et européens que l’on a nommée XL et XXL, leurs parents enfilant de plus en plus des vêtements XXXL (extra, extra, extra large)!

Par contre, pour s’en sortir, il faut absolument découvrir la partie encore et toujours cachée de l’iceberg : L’HYPOGLYCÉMIE, le véritable mal fondamental du sucre. Nous en parlerons le mois prochain sous le titre : Une face cachée du mal du sucre© : les troubles de la pensée.

Danièle Starenkyj©, auteur du livre Le mal du sucre, 90e mille, réimpression juin 2011.