Guérir par « l’horathérapie » : l’héritage du Père Jomin (3ème partie)

220px-Zonnewijzer_Carpe_DiemPhoto Wikipédia – Quand le présent devient présence, c’est l’objet de notre 3ème partie sur vivre l’instant présent.
Le lundi 27 décembre 1982, le Père Jomin terminait sa journée dans une joie intense. Le lendemain, il s’éteignait en toute sérénité à l’âge de 89 ans.
Sa vie consacrée aux autres, il l’a passée entièrement avec et dans sa Compagnie. En effet, il fait tout d’abord ses études au collège des Jésuites de Boulogne-sur-Mer

où il est né en 1893 puis devient prêtre et jésuite en 1925
« Ayant souffert douze ans de névrose phobique, je fus délivré de mes angoisses en 1925 en pratiquant seul les conseils que donne le Dr VITTOZ, de Lausanne, dans son livre : Traitement des psychonévroses par la rééducation du contrôle cérébral.
Aussitôt, j’entrepris d’aider quelques collègues, avec succès, mais en dépassant très rapidement Vittoz, en mettant au point une méthode personnelle et en la perfectionnant sans cesse depuis. Dès lors, je me suis toujours intéressé à la psychologie – que j’ai même enseigné – et spécialement à la psychothérapie et à la psychiatrie. Rentré en France en 1952 après 25 ans en Chine, j’ai été amené comme prêtre à conseiller des personnes considérées comme incurables et qui ont guéri. Cela s’est dit. D’où l’effet de boule de neige ; si bien que, depuis quelques années, j’ai dû renoncer à toute autre occupation que d’aider les personnes qui souffrent. Les personnes qui me consultent sont d’opinions philosophiques et religieuses diverses.
2780 personnes ont été traitées à ce jour par l’horathérapie. Elles souffraient de toutes sortes de psychonévroses, certaines jugées incurables par leur médecin. »

Les clefs fondamentales pour la guérison par l’horathérapie

Maurice Gaultier m’a vraiment ravi et dans l’excellente synthèse de son petit guide. Il explique :

« Les guérisons que j’ai obtenu après plusieurs rechutes m’ont permis de constater et d’expérimenter qu’il est possible avec de la volonté, de la persévérance et l’aide de ce que j’appelle « La vie ou et le Tout » de pouvoir guérir seul soi-même sans l’assistance d’un praticien. Les rechutes ont toujours pour cause une hygiène de vie non respectée »

Le père Jomin s’inspirait de ce dont nous avons parlé dans la première et deuxième partie du dossier « Vivre au présent » Cependant, sa vision était avant tout pleine d’humanisme et avec lui il y avait une application pratique de ce qui caractérisait sa foi.
En un tout premier temps, après avoir écouté son patient, le père Jomin lui faisait remarquer que son esprit est toujours encombré d’idées, d’images, de souvenirs, de regrets, de désirs, de craintes, de doutes qui s’imposent à lui. C’est un peu comme si un film se déroulait mais il n’en commande pas le déroulement. Ne dominant pas ses pensées, il n’y a pas de maîtrise de lui-même, il n’y a pas de Paix, ni de Joie et de Santé.
Il invitait donc le patient à maîtriser ses sensations propres ce qui revenait à reprendre « possession » de son esprit. Il se plaisait à dire :
« Nous vivons de sensations, mais chacune est recouverte d’une foule d’idées : il faut sans cesse s’exercer à éprouver des sensations pures. Ce que l’on doit faire, le faire, justement. Être dans le présent, c’est cela même qui détend et repose. »
Lorsque nous sommes angoissés, il y a un aspect physique (cœur qui bat fort, respiration bloquée, tremblements, gorge serrée) et l’autre versant c’est l’aspect psychique (le mental). Pour arriver à chasser les troubles anxieux, il ne faut jamais le faire par l’activité mentale, seulement par la sensation pure. Prendre une respiration ample et profonde, s’immerger dans le moment présent sans penser.

« Habituellement, nous sommes mus par des sentiments vagues, sur lesquels nous ne nous attardons guère, mais qui entravent la vie quotidienne : sympathie, antipathie, irritation, méfiance. La volonté doit braver toute réticence qui s’impose à l’esprit sans véritable fondement rationnel dans l’instant par le biais de sensations pures. »
Le père Jomin insistait sur l’état de vigilance : celui qui fait que l’on n’est plus victime de son mental et il faisait écrire par son patient « Je ne m’arrête jamais consciemment à une idée qui s’impose à moi » En fait, à y regarder d’un peu plus près : les idées noires et négatives sont bien celles qui s’imposent à nous. Elles ont la même vertu qu’un journal télévisé de 20 heures avec leur flux de mauvaises pensées.

Il se plaisait à déclarer : « Nous vivons dans la durée, un instant après l’autre. C’est une vérité évidente. L’instant d’avant je n’y peux plus rien, l’instant d’après, je n’en sais rien. Je n’ai à moi que l’instant présent. C’est mon unique trésor. Car lui seul permet de réparer le passé et de préparer l’avenir ; c’est lui qui nous met en contact avec l’éternel. Bien vivre, c’est toujours vivre dans le présent, un présent qui est à lui-même un but. » Pour favoriser cet état d’esprit, il propose une formule très simple « je veux ce que je fais » Mais cela suppose « je veux ce qui est »

La pratique de la quiétude selon le Père Jomin

Le père Jomin était chrétien convaincu, de même le docteur Vittoz. Alors qu’actuellement, nous allons chercher la paix, le calme et le silence chez les bouddhistes, le père Jomin trouvait tout dans la tradition chrétienne.
Bien souvent, on ne retient de la pratique religieuse chrétienne que le coté « moralisateur ». Ne pas pêcher, ne pas faire ceci ou cela, alors qu’en fait il y a dans cette tradition une pratique des voies de l’intériorité largement sous estimée par notre société actuelle.
Le christianisme des origines qui avait pour source ce que l’on nomme les « pères du désert » prônait un mode de vie simple, naturel, dans la pratique du moment présent prenant au pied de la lettre les préceptes évangéliques.
Très tôt dans le développement du monachisme chrétien, on trouve des écrits sur la « pratique du moment présent » :
*abandon à la Providence, la confiance des petits enfants.
*vigilance sur l’instant qui s’écoule afin de lui donner tout son poids de vie et d’amour.

L’absence de soucis :

Chez les chrétiens orthodoxes, l’hésychia désigne la sérénité du juste, la quiétude, l’apaisement, La libération de l’angoisse ancestrale qui oppresse les hommes dès qu’ils s’arrachent au rythme des occupations quotidiennes.
L’homme et, encore plus celui d’aujourd’hui, craint de s’arrêter, tellement il a peur du silence.
L’hésychia apporte une victoire sur l’angoisse, les passions, l’agitation fébrile. Elle est recherche de la paix de Dieu où se trouve la véritable quiétude.
Il n’y a ni égoïsme, ni retrait sur « soi-même » et encore moins une fuite des responsabilités dans cette attitude, mais simplement la présence « à la présence de Dieu » dans le moment qui passe.
Cette attitude, cependant, ne peut s’obtenir sans la pratique de la vigilance, l’attention à ce qui est essentiel dans le moment présent. Il faut un dépouillement, une concentration sur l’essentiel et surtout une confiance totale car « De même que celui qui a la tête sous l’eau ne peut respirer l’air, de même celui qui a l’esprit immergé dans les soucis de ce monde-ci ne peut respirer l’air du monde futur »Saint Jean Climate.

Vivre l’instant présent c’est vivre profondément dans la confiance

La richesse de chaque instant c’est ouvrir son cœur à une autre dimension : il est toujours possible de regarder en soi une « présence qui est Amour ». C’est cet amour qui apporte la paix, la joie, l’émerveillement. Chaque instant fugitif a valeur d’éternité.
Nous devons être capables de voir qu’il y a en nous une peur : celle de perdre ou celle de manquer. Cela se traduit par le désir de possession de biens temporels ou spirituels.

On observe deux symptômes bien réels : inquiétude pour son devenir et fermeture sur soi pour préserver son bien propre.
Jean-François et Liliane Vezin dans l’excellent ouvrage consacré à l’œuvre du père Jomin :
« Quand le présent devient Présence » écrivent très justement au sujet du désir de possession :
« Cela peut être un bien matériel : vêtement, livre, meuble vase, jouet, maison. Cela peut être un bien physiologique : ma santé, mon sommeil, ma nourriture, mon corps. Cela peut être un bien psychologique : une offense qui m’a blessé, une parole qui nuit à ma réputation, une responsabilité donnée à un autre, ma générosité, ma bonté n’ont pas été remarquées…Ma réputation…. Que va-t-on dire de moi ?
Cela peut être un bien spirituel : ma prière, mon don, ma compassion, mon évangélisation, mon auréole…. Mon auréole bien à moi. »
Le désir de possession me rend inquiet : je dispense une énergie considérable pour entretenir mes biens matériels (maisons voitures …), physiques (santé), spirituels (pratiques longues et austères).

Bienheureuse insécurité !

La recherche perpétuelle d’une sécurité relative nous plonge toujours dans le sentiment d’insécurité. C’est l’acceptation totale de celle-ci qui génère une « bienheureuse insécurité ».

La paix totale s’obtient lorsque, constatant que l’on n’a plus rien, on a tout : L’Amour.
Bien sûr, cela ne se traduit pas forcément par : donner tous ses biens aux pauvres, vivre dans un monastère.
En fait, nous devons comprendre que chaque instant de notre vie n’est pas notre « propriété, n’est pas la seule satisfaction de nos convoitises centrées sur notre petit « moi ».

Si je me regarde le nombril : je suis centré sur tout à la fois mes richesses et mes limites et je passe à côté de l’essentiel : je suis inquiet car je suis incapable de leur donner la seule dimension à laquelle j’aspire profondément : l’éternité, l’infini. Pour le père Jomin, l’Evangile c’est la pratique du Moment Présent. « Voilà pourquoi je vous dis : ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez….. Beaucoup plus loin dans ce passage : ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine » Matthieu 6-25-34

L’abandon au moment présent suppose une confiance aux forces de la vie « Votre père sait bien ce qu’il vous faut, avant que vous le lui demandiez » Matthieu 6,8

L’exemple le plus frappant c’est la prière qu’instaure Jésus que l’on nomme le « Notre Père ». Il s’agit là d’une demande d’un pain du jour qui vient. Cela suppose qu’on écarte absolument toute idée de prévision lointaine pour un avenir même proche. Avec cette pratique, pas de plan sur la comète, on doit vivre le quotidien dans un abandon total en excluant les journées à venir.
Le paradoxe de cet abandon c’est qu’il est source de Paix, de Quiétude et d’Abondance au-delà même de ce que l’on imagine ordinairement. Parce que l’on est tout entier à ce que l’on fait, il n’y a ni agitation fébrile, ni inquiétude : on est non seulement présent à soi mais aux autres.

Une rencontre qui a bouleversé ma vie :

L’anecdote se passe en 1973, une période de souffrance intense. En faisant une retraite dans un monastère cistercien, j’ai fait une rencontre qui bouleversa mon existence. Au réfectoire, je me pris de sympathie pour un être bien singulier : frère Roland. C’était un être frêle et jeune qui avait choisi la voie spirituelle dans une pauvreté voulue et au service total aux autres. Il était Petit Frère des Pauvres de la congrégation de Charles de Foucault. Il vivait totalement son sacerdoce et, je pense qu’il avait reçu ce don de guérison des malades par la prière. Continuellement sollicité par les plus modestes, les malades, il vivait toujours dans la présence de cet amour qui était le moteur de son existence. Malgré le dénuement partiel dans lequel il vivait, cet homme rayonnait d’une Présence. Lui-même affirmait que « jamais rien ne lui manquait » parce qu’il faisait confiance à cette source d’Amour à laquelle il puisait. Quand l’argent venait à lui, il le redistribuait : c’est cela même qui était source d’Abondance. Je suis resté en sa présence pendant une quinzaine de jours et j’ai vécu cela comme une bénédiction… J’ai totalement perdu contact avec frère Roland pendant près de quarante ans. Je ne savais ni comment le joindre, ni avoir la preuve qu’il soit toujours vivant. Là je me suis dis « Que ferait Frère Roland s’il voulait te joindre ? Il ferait confiance en la Vie, en Dieu » J’ai donc adopté cette position là pour aller à sa rencontre. Par des hasards vraiment curieux qu’on peut appeler synchronicité, j’ai eu l’immense plaisir de renouer contact avec ce personnage qui avait modifié en profondeur le sens même de mon existence et quelle surprise ! Il vivait toujours selon les préceptes évangéliques de la providence et de l’amour.

L’an dernier, mon ami Bernard Burlet me sollicitait pour un article sur la Pensée Vivante puis un autre sur Georges Barbarin et je rends témoignage que c’est toujours cette pratique du moment présent qui a prévalu dans mon écriture sur ce site qui je le souhaite est aussi le vôtre.

Roland Reymondier
Ecrivain, conseiller en produits de nutrition

POUR EN SAVOIR PLUS :

Vivre au présent : utiliser notre cerveau ! (2ème partie)

Vivre au présent (1ère partie)