Que penser de Pierre Rhabi: écologie bon enfant? Système?

Photo site ColibrisLe système Rhabi: une écologie bon enfant, pleine de bons sentiments et pourtant…Saluons le travail fait par un journaliste du monde diplomatique, Jean-Baptiste Mallet basé sur un personnage que beaucoup plébiscitent parmi nos lecteurs: Pierre Rabhi.

Pierre Rabhi déplace les foules

C’est un auteur et acteur à succès et ses livres se vendent bien.

Pour ce personnage  » classé hors normes », chaussé de sandales en toutes saisons, Pierre Rabbhi offre l’image de l’ascète inspiré qui en fait ne cesse de prêcher avec une phrase:
 » la source du problème est en nous. Si nous ne changeons pas notre être, la société ne peut pas changer ».

Avec son allure frêle, on le prendrait pour une sorte d’Abbé Pierre de l’écologie, un grand-père chaleureux et bienveillant, un peu comme ce personnage d’une autre époque qui fit  » don de sa personne », non pas pour son pays mais pour la bonne cause écologique.

Ainsi son évocation du fabliau du colibri ne peut que toucher l’ensemble de ceux qui l’écoutent:
 » Colibri, tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu éteindras le feu » lui dit un tatou.  » je le sais mais je fais ma part » répond le volatile. Cependant, dans cette histoire, il oublie que le colibri ne survécut pas plus que ses autres congénères.

L’inspirateur des « colibris » prône une « insurrection des consciences » une régénération spirituelle, le retour à la nature à l’encontre d’une agriculture mécanisée et une forme de rédemption individuelle par ce qu’il nomme «  la sobriété heureuse« .

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Sauf que, Pierre Rabbhi à la différence simplement de notre pape actuel, ne va jamais construire un mouvement à l’encontre de ceux qui mettent le feu actuel: les puissances de l’argent.

Sans entrer dans le détail du travail d’investigation du journaliste, on apprend beaucoup de choses sur le parcours de ce pèlerin de la frugalité. C’est un fervent catholique épris d’absolu qui fit connaissance dans sa jeunesse de personnages tels que le docteur Pierre Richard ou l’écrivain Gustave Thibon qui furent des sources intellectuelles pour l’idéologie du monde rural du gouvernement de Vichy des années 1940. Cela ne laisse pas supposer que ces personnes soutenaient ce régime, mais laisse entrevoir un positionnement idéologique proche d’une rigueur morale avec les vertus qui l’accompagnent propres à un intégrisme catholique de droite.

Bien entendu, Pierre Rabhi, ne se positionne pas comme tel, mais ses idéaux il les a puisés dans cet univers des années 40 et 50, le reflet parfait d’un monarchisme catholique intransigeant sur les valeurs morales et bien entendu anti-gaulliste et totalement opposé aux positions de  » la gauche ».

Pour Pierre Rabhi, nul doute, il faut faire machine arrière, devenir chacun à son niveau un citoyen de la terre, un rural qui doit transformer sa pauvreté (et elle est grandissante en France) en une sorte de sobriété heureuse en se passant des acquis de notre civilisation.
Non, monsieur Pierre Rabhi ne fait pas de politique, il n’est pas de droite, mais comme dirait Coluche, il faut pas déconner il est encore moins de gauche, d’ailleurs il fustige 68 et le paysage des années 1960 et 1970 ne l’enchante nullement.

Quand par malheur on lui soumet l’oeuvre de André Gorz auteur de textes fondamentaux comme Ecologie et politique et Ecologie et liberté, il évacue le débat par:

«  j’ai toujours détesté les philosophes existentialistes. Dans les années 1960, il y en avait énormément de gens qui pensaient à partir des mécanismes sociaux, en évacuant le  » pourquoi nous sommes sur terre ». Mais moi, je sentais de manière tangible qu’il y avait autre chose ».

Non, l’écologie de Pierre Rabhi n’est pas reliée à un contexte politique et on voit très bien qu’il fait l’impasse d’un changement radical d’un type de société autre que capitaliste et libérale.
Pour lui le seul combat se situe dans le coeur des gens qu’il rencontre. Son positionnement est avant tout moralisateur et non totalement subversif.

Ce qui nous plaît dans la démarche de Pierre Rabhi c’est la culture de la simplicité, de l’action de transformer nos coeurs et là nous souscrivons totalement à son approche.
Ce qui nous en éloigne c’est que les bases de ses réflexions ne sont pas politiques comme le furent celles de René Dumont en son temps.
Car peut-on vraiment et uniquement changer une société avec seulement de beaux et bons sentiments ?

Rabhi n’a rien d’un révolutionnaire et quand il fait ses animations publiques, il ne se contente pas d’un sobriété heureuse puisqu’il touche au bas mot entre 7000 et 10000 euros. Lui affirme qu’il n’en touche qu’une infime partie et on veut bien le croire.

Sans aller jusqu’à tourner le dos à ce personnage qui « éveille » les consciences, faut-il se laisser bercer de discours qui au demeurant sont toujours les mêmes dans toutes les salles où il est invité ?

Le spectateur conquis pour un soir, applaudissant un discours mille fois entendu n’est nullement invité à une insurrection sociétale qui mettrait vraiment à mal cette société consumériste, il s’en retourne le même soir dans son HLM manger du poulet aux hormones … Pourtant, que la Montagne de Rabhi est belle…. celle pour qui le recours d’un colibri éteindra le feu du consumérisme !

Roland Reymondier