Nutrition et comportement ©2013

dstarenkyjDanièle Starenkyj – C’est Hippocrate qui, le premier, attribua au cerveau les fonctions « intellectuelles », « volontaires », et « sensibles ». 
Aujourd’hui, on affirme que le cerveau est l’organe biologique de la pensée. Il est cette partie de notre corps à travers laquelle se manifestent les phénomènes mentaux. Il est le siège de la personnalité, de l’affectivité, et du raisonnement.

Le cerveau est un tissu extrêmement complexe qui se présente comme un réseau de communication prodigieux avec ses 10 à 12 milliards de neurones, ses synapses, ses centres d’intégration de plus en plus élevés. Or, comme tous les organes de notre corps, il dépend essentiellement pour fonctionner normalement, d’une nutrition adéquate.

On a longtemps pensé que notre cerveau était « au-dessus » de tout ce que nous pouvions respirer, manger, ou boire. S’il est vrai que celui-ci est mis à l’abri de nombreuses substances qui peuvent circuler dans notre sang grâce à la barrière sang-cerveau, on sait que celle-ci peut être néanmoins facilement traversée par certaines substances comme l’alcool et les autres drogues, les métaux lourds, et les allergènes.

On a aussi établi que la carence en glucose, doublée de certaines déficiences en oligoéléments, peut le rendre fou1. Le cerveau étant le siège de nos pensées et de nos émotions, et le coordinateur de nos sens, s’il est chimiquement déséquilibré,  cela se manifestera automatiquement par des pensées déréglées, des bouleversements émotionnels qui pourront aller jusqu’au délire, et des désordres au niveau des perceptions sensorielles qui provoqueront des hallucinations. En peu de mots, le comportement de l’individu sera profondément affecté, et son tempérament de base sera exacerbé.

-Nutrition et comportement.

La relation est vieille comme le monde, mais aujourd’hui, grâce au laboratoire moderne, elle a quitté le domaine du folklore pour de venir scientifique, et susciter l’intérêt de nombreux scientifiques qui ont découvert qu’effectivement le cerveau en particulier, et le système nerveux en général, étaient influencés par certains nutriments. Oui, notre humeur, notre vivacité, notre mémoire, et même notre perception de la douleur sont affectées par ce que nous mangeons.

La biodisponibilité des neurotransmetteurs

Une grande partie de cette recherche s’est concentrée sur l’étude des neurotransmetteurs, des médiateurs chimiques par lesquels les neurones communiquent les uns avec les autres à la vitesse de l’éclair. On en connaît au moins 30 à 40 différentes variétés, et l’on sait que certains nutriments par leur présence ou leur absence, affectent leur production et leur disponibilité dans le cerveau.

La plupart des 30 à 40 intermédiaires chimiques considérés comme médiateurs sont élaborés  à partir de précurseurs tels que les acides aminés. L’insuffisance d’hydrates de carbone dans le régime modifie la production des médiateurs, et par conséquent la quantité et la qualité des communications entre les 10 à 12 milliards de neurones.

Donnons un exemple.  C’est un neurotransmetteur, la sérotonine dont le taux est le plus élevé dans l’hypothalamus, qui donne l’envie de dormir, et assure un sommeil profond et réparateur Or pour produire la sérotonine, les centres nerveux dans notre cerveau ont besoin de tryptophane, un acide aminé indispensable. Dans les années 1970, certains chercheurs2 ont cherché à découvrir comment on pouvait faire pénétrer plus de tryptophane, ce précurseur de la sérotonine, dans le cerveau de ceux qui faisaient de l’insomnie.

Le folklore a longtemps véhiculé que boire un grand verre de lait chaud avant de se coucher, favorisait le sommeil. Or cela est faux car le tryptophane est l’acide aminé le moins abondant dans la majorité des aliments protidiques, que ce soit la viande, les produits laitiers, ou les œufs.  Un acide aminé ne peut traverser la barrière sang-cerveau que dans la mesure où il est très abondamment fourni, ou qu’il n’a pas de compétition. Ainsi pour que le tryptophane puisse pénétrer dans les neurones, il faut que les autres acides aminés qui sont les constituants des protéines aient disparu du courant sanguin.

Comment y arriver ? Ces chercheurs ont découvert que cela pouvait se faire tout simplement en se mettant à manger des hydrates de carbone (glucides). Les glucides augmentent la sécrétion d’insuline qui chasse les acides aminés du sang pour les faire pénétrer dans les cellules des muscles. Le tryptophane qui ne se laisse pas chasser, va alors avoir la voie libre, et pouvoir pénétrer dans le cerveau. C’est alors que l’on a pu affirmer qu’un régime riche en protéines favorisait l’insomnie alors qu’un régime riche en hydrates de carbone favorisait le sommeil. Un repas du soir à base de viande, fromage, ou œufs, n’est pas un bon choix si l’on veut faire une bonne nuit. Pensons à nos ancêtres qui, à la fin de leur journée, se restauraient avec une soupe épaisse et du pain noir, puis allaient se coucher sans craindre de ne pas fermer l’œil.

Ces mêmes études ont établi que plus le régime est abondant en pain complet et en céréales non raffinées, plus un individu voit sa résistance à la douleur augmenter, et cela toujours grâce à la possibilité d’un apport optimal de tryptophane dans le cerveau.

Certains minéraux et vitamines comme le fer, le cuivre, le zinc, la thiamine, la pyridoxine, et la vitamine C sont des cofacteurs essentiels à la synthèse des neurotransmetteurs. Leur carence entrave cette synthèse et altère donc la fonction cérébrale.

Un point important à retenir est que la qualité des graisses que nous consommons (animales ou végétales, saturées ou insaturées) modifie la composition lipidique de la membrane cellulaire, et de ce fait agit sur le cerveau. En effet, cette membrane loge les récepteurs et certaines enzymes indispensables au métabolisme des neurotransmetteurs. Tout changement dans sa composition intervient dans la disponibilité des médiateurs et dans l’activité enzymatique, et donc entrave la transmission de l’influx nerveux d’un neurone à un autre.

On reconnaît maintenant qu’un régime très, très pauvre en graisses animales, relativement pauvre en graisses végétales et très riche en hydrates de carbone complexes, est sans aucun doute le régime qui favorise le mieux et le plus la vivacité mentale, et un comportement humain sain et agréable.

Métaux lourds et comportement

L’exposition au plomb réduit le nombre des synapses dans le cerveau, et diminue la capacité du cerveau à former de nouvelles synapses. Les synapses sont des régions de contact où s’effectue le transfert des renseignements entre les cellules du cerveau. L’aptitude intellectuelle augmente en fonction de l’augmentation des synapses et des dimensions de la jonction synaptique. Le nombre des synapses et leur dimension peuvent augmenter dans la mesure où l’individu continue tout au long de sa vie à avoir une activité intellectuelle stimulante régulière.

L’intoxication au plomb chronique même légère peut entraîner une hyperactivité, les accès de colère, le repli sur soi, les crises de larmes. L’enfant intoxiqué peut avoir des difficultés de l’apprentissage, des troubles du langage, une instabilité motrice. De nombreux spécialistes de l’enfance avancent que les échecs scolaires et les comportements antisociaux pourraient être le résultat de lésions cérébrales non diagnostiquées causées par une intoxication faible mais chronique au plomb.

Le mercure est également un métal lourd dont on connaît depuis longtemps les effets toxiques sur le cerveau. Au XIXe siècle, l’industrie chapelière utilisait du nitrate de mercure pour traiter le feutre des chapeaux. Ses ouvriers avaient une psychose particulière, et à c’est eux que nous devons l’expression « travailler du chapeau ». Aujourd’hui, les risques d’intoxication professionnelle demeurent élevés. On signale des empoisonnements à la suite de l’ingestion ou de l’inhalation accidentelles de fongicides à base de méthyle de mercure, mais aussi  de certains médicaments : diurétiques, laxatifs, injections vaginales à base de dérivés mercuriels utilisés pour leurs propriétés antiseptiques. On relève alors une dégénérescence des nerfs périphériques, de la moelle épinière, de la couche profonde granuleuse du cervelet, et des neurones du cortex cérébral. Il faut aussi mettre en garde contre la consommation trop fréquente de poissons contaminés au mercure. L’intoxication au mercure entraîne un syndrome neurologique avec tremblements des extrémités, mais aussi de la langue et des lèvres qui amènent à ne plus s’exprimer qu’avec difficulté. On remarque une salivation excessive, la perte des dents, et sur le plan psychologique, on observe de l’irritabilité, une tendance dépressive, et la modification de l’humeur.

Peut-on ignorer le pouvoir phénoménal d’adsorption des métaux lourds du charbon activé ?

Oligoéléments et comportement

Ces substances existent à l’état de trace dans l’organisme mais leur absence cause des lésions cérébrales. Nommons :

–  l’iode qui, insuffisante au cours de la grossesse, entrave la croissance du cerveau du fœtus et sa maturation, causant le crétinisme. Dans la petite enfance, la carence en iode empêche la division cellulaire, l’augmentation du nombre des synapses, et la myélinisation des cellules nerveuses, donc le développement de l’intelligence. Une carence légère (sans manifestation d’un goitre) cause fatigue, retard de croissance, incoordination motrice, troubles cognitifs, difficultés de l’apprentissage. Il faut veiller avec soin à un apport en iode adéquat dès que l’on écarte du régime le sel (pourtant indispensable) ou que l’on adopte un régime crudivore avec abondance de crucifères, ou d’arachides ou de soja insuffisamment cuits ou rôtis. La goitrine, présente dans ces aliments crus ou mal cuits, empêche l’organisme d’utiliser l’iode. La cuisson toutefois empêche l’action de la goitrine. Les régions montagneuses, dans le monde entier, sont des régions d’endémie goitrigène. Le sel de table iodé a permis d’enrayer la carence en iode qui, d’un point de vue neuropsychologique, est la carence en l’oligoélément qui affecte le plus gravement les êtres humains ;

– le cobalt joue un rôle essentiel dans le fonctionnement du système nerveux. C’est un composant de la vitamine B12 absolument nécessaire à la prévention et au traitement de l’anémie pernicieuse, indispensable au métabolisme de toutes les cellules dont celles du tissu nerveux. Un apport adéquat en vitamine B12 assure un apport adéquat en cobalt. Les végétariens stricts doivent veiller à avoir une source sûre de vitamine B12 dans leur régime habituel. À cause de la pollution des eaux, des poissons, et des algues, par le plomb et le mercure, il est plus sage de compter sur un supplément de vitamine B12 (hebdomadaire ou mensuel) que sur des concentrés d’algues ou autres produits de la mer ;

– le fer est un oligoélément dont l’importance pour le fonctionnement normal du système nerveux s’impose. La carence en fer (quelles qu’en soient les causes) entraîne des altérations du comportement qui se manifestent par de l’irritabilité, de l’apathie, une diminution de la durée de l’attention, et des mauvais rendements intellectuels. Toutes ces altérations sont réversibles en 7 à 14 jours dès que l’apport en fer est adéquat ;

– le cuivre, par sa carence mais aussi son excès, peut être responsable de graves désordres mentaux. Sa carence donne lieu à la maladie de Menkes aussi appelée maladie des cheveux en fil de fer, mais son excès, beaucoup plus courant à notre époque, cause des lésions cérébrales. L’excès en cuivre peut être lié à des causes environnementales (tuyauterie en cuivre), et à une alimentation riche en foies animaux, en huîtres, en champignons, en chocolat amer, en poudre de cacao, en thé, en boissons sucrées et acides (sodas), à un excès d’œstrogènes (contraceptifs). Un apport élevé en cuivre peut être un facteur important dans la survenue d’une certaine forme de schizophrénie (histapénie) caractérisée par de la paranoïa et des hallucinations, mais aussi dans le déclenchement de l’hypertension, le bégaiement, l’autisme, l’hyperactivité, et l’insomnie ;

– le manganèse affecte le système nerveux par sa carence qui entraîne des troubles de la coordination du mouvement volontaire (ataxie), et par son excès qui a des effets toxiques qui se manifestent par de la démence, et un syndrome parkinsonien (chez les mineurs exposés chroniquement aux poussières de manganèse) ;

– la carence en zinc chez les humains entraîne une détérioration neuropsychologique avec perte de l’appétit, du goût, de l’odorat, et des troubles importants du comportement et de l’humeur : accès de colère, hyperactivité, négativisme, et une certaine forme de schizophrénie, entre autres. Les meilleures sources alimentaires en zinc sont les aliments végétaux non raffinés, entiers : pain, céréales bien cuites, noix, graines. La carence en zinc semble altérer les taux cérébraux des neurotransmetteurs.

Nous devrions encore parler de l’effet des allergènes sur le comportement. Nous le ferons le mois prochain. Nous avons déjà traité la question de l’hypoglycémie (abaissement du glucose sanguin) et du comportement dans l’article du mois de juin : « Le sucre et les troubles mentaux ». Je vous conseille de le relire.

Mais, en conclusion de cet article, nous devons insister sur le fait que d’adopter une alimentation végétale équilibrée n’est pas une mode, du snobisme, ou du sectarisme. C’est véritablement la forme la plus fondamentale de respect envers notre humanité caractérisée par les capacités infinies de développement que notre cerveau bien nourri peut nous offrir à nous et à nos enfants. Mordez au « bonheur du végétarisme »

Danièle Starenkyj

Octobre 2013 –  NUTRITION ET COMPORTEMENT©2013 DANIÈLE STARENKYJ – WWW.PUBLICATIONSORION.COM