Notre terre nourricière est une terre vivante

WEB_CHEMIN_5045_1374582130Photo Centre Terre vivante 38 MENS Le jardin de santé (première partie) : Sa formation et les problèmes qui se posent actuellement !
Il y a dans chacun d’entre nous ce que l’on peut nommer « un jardin secret ». Pourtant, ce n’est pas de celui-ci dont il est question ici, c’est avant tout de ce jardin que nous voudrions tous établir ou rétablir autour de nous, cette

parcelle de terre qui porte des légumes et fruits vitaux pour notre santé.
S’il y a un luxe qu’on aimerait avoir, du moins en ville, c’est bien de pouvoir jouir d’une terrasse avec quelques pots de plantes médicinales et des fleurs. Mais quels sont celles et ceux qui n’ont pas rêvé d’avoir un petit coin de terrain à cultiver au cœur même de nos villes enfumées ?

Un peu d’histoire et de mythologie : jardins mythiques d’autrefois

Pour ceux qui connaissent la bible, les noms « Paradis et Eden » signifient jardin et on peut y lire :
« Jahvé Dieu planta un jardin en Eden ; Et il y mit l’homme qu’il avait modelé. Il y fit pousser toutes espèces d’arbres séduisants à voir et bons à manger. L’arbre de vie était au milieu du jardin. »
Il y a là des arbres de santé et d’autres d’immortalité, cependant Jahvé-Dieu recommande qu’Adam se garde bien de goûter à l’arbre de la connaissance du bien (aussi du mal) sinon il mourra.

C’est de ce jardin que Dieu aurait, selon les Ecritures, modelé l’homme avec la glaise du sol », lui insufflant un reflet divin. En fait le nom âdam signifie « qui vient du sol »

C’est toujours dans ce jardin que Jahvé créa la femme et déclara enfin « croissez et multipliez vous par toute la surface de la terre. Je vous donne toutes les herbes pour manger, les semences et tous les arbres qui ont des fruits : ce sera votre nourriture et aussi celle des animaux »

On sait ce qu’il advint, poussé par le plus lumineux des archanges célestes, jaloux du sort que Dieu réservait aux hommes, l’homme va manger le fruit défendu de l’arbre de la connaissance et va ainsi perdre de vue ce jardin céleste…

Dans la plus haute Antiquité, les Jardins suspendus de Babylone tentèrent de forcer le ciel. On les classe comme une des sept merveilles du monde antique et, il semble bien que ce fut une vraie splendeur.

Les jardins persans sont encore mythiques. Le concept persan d’un jardin idéal semblable au Paradis est parfaitement rendu au Taj Mahal qui est l’un des plus grands jardins persans du monde.

Dans la mythologie grecque, on trouve le jardin des nymphes Hespérides. Ce dernier, situé à l’extrême occident, était un jardin d’immortalité, un jardin réservé aux Dieux. Mandaté par Mycène, Héraclès eut pour mission, lors de l’un de ses 12 travaux, de ramener dans la cité grecque trois fruits d’or provenant du jardin des Hespérides. Trois nymphes et un serpent aux têtes multiples « Ladon » gardaient ce merveilleux jardin. Héraclès réussit à s’emparer des fruits d’or par ruse en envoyant Atlas combattre le serpent à sa place.

Il y eut aussi les jardins des philosophes : ceux d’Epicure, ceux d’Académos , endroit symbolique où l’on s’y grise de mots : parfois ils procurent sagesse et santé.

Au Moyen-âge, on voit se développer des jardins de santé aménagés par des moines défricheurs. C’est dans les monastères que vont se développer la pratique du jardinage et que l’on va faire pousser les « simples » servant à soigner un peu tous les maux du quotidien. A cause des luttes féodales et de l’insécurité qu’elles génèrent, le seigneur quant à lui s’octroyait quelques pieds de terre où les médicinales végétaient entre les murs des châteaux-forts.

Sous la Renaissance, les jardins se libérèrent. Les termes « Jardin de santé » s’appliquent même à ces livres bourrés de recettes qui restent encore valables actuellement, d’autres sont par contre saugrenus.
Le botaniste Bernard de Jussieu a classé, pour faire plaisir à la future reine Marie Antoinette, au jardin du Trianon ; à sa façon, une grande quantité de nos plantes, en fait un jardin catalogue de génie.

Le dix neuvième siècle voit le début de ce que l’on nomme les jardins ouvriers. Les familles pauvres ont toutes besoin de ce surplus d’aliments que vont fournir les jardins que cultivent ces hommes et ces femmes qui n’ont que peu de moyens.

Le vingtième siècle lui, verra comme exemple le développement des jardins ouvriers du père Volpette à Saint-Etienne. Ces jardins familiaux avec 120 ans d’existence ont eu leur raison d’être en fonction d’un contexte social lié à la pauvreté :
« La naissance des jardins collectifs date de la fin du XIXème siècle, sous l’impulsion de l’abbé Lemire et du père Volpette.

Pour les initiateurs, l’intérêt des jardins familiaux est multiple :

  • ils constituent un lieu de vie locale.
  • ils jouent un rôle important dans les loisirs et la vie familiale.
  • ils représentent un terrain de prédilection pour l’initiation à la nature et à la protection de l’environnement.
  • ils favorisent la vie sociale et associative.
  • ils constituent un moyen efficace de gérer l’espace périurbain et d’en mettre en scène et en valeur le paysage.
  • ils constituent un support de solidarité et de résistance à la précarisation, en permettant l’auto-approvisionnement.
  • ils sont un moyen positif de lutte contre l’inactivité forcée (perte d’emploi, retraite).
  • ils ont été, à l’origine, l’un des instruments de lutte contre l’alcoolisme ».

Une terre vivante

Retrouver le jardin de santé pour s’y diriger au mieux c’est surtout comprendre à quel point nous sommes à la fois de la terre, des fleuves, des mers, de l’air. En fait, c’est revenir aux éléments les plus simples au monde.
On a pu reproduire en laboratoire les conditions où les eaux, les roches, l’air et les décharges des orages ont du se conjuguer pour créer « la bouillie des origines » des acides aminés nécessaires à l’apparition de la vie.

Mais, les tout premiers êtres vivants, protozoaires et algues élémentaires, êtres monocellulaires au noyau encore diffus, comment sont ils survenus ?

Sont-ils végétaux, animaux ? La limite semble alors si difficile à tracer que l’on a réservé le terme de protistes mais, cependant, dans ces cellules le règne végétal et animal s’y trouve en puissance.

Une seule de ces mono cellules vivantes, organisme indépendant, représente déjà une variété infinie de molécules chargées d’électricité négative, structurées par un nombre fabuleux d’atomes empruntés à tous les éléments chimiques de toute vie sur la terre.

Les mono cellules furent en un premier temps plongées dans l’eau de mer, des fleuves ou de la terre. Elles se nourrirent de cette eau riche en sels et qui leur tient de système sanguin, eau attirée à travers la membrane par la puissance osmotique du protoplasme et de ses vacuoles.

La vie est apparue avec des algues élémentaires contenant des pigments comme la chlorophylle. Cette dernière, par ses chloroplastes, grains orientables vers la lumière, fixe l’énergie de cette même lumière. En compagnie de l’eau, de l’air, ces premiers organismes vont fabriquer des corps comme les glucides, les lipides, les protides que l’on connait bien en diététique.

Ce sont les bouleversements géologiques qui firent que les sols constitués de laves, granit, calcaires désolés furent « conquis » par ces multitudes de cellules porteuses de vie. Ce furent les premiers lichens qui commencèrent à s’implanter sur le sol car ils résultent de la parfaite symbiose d’un champignon et d’une algue.
Rien de tel que la présence d’un champignon pour distiller enzymes et acides qui attaquent les roches les plus dures, s’en nourrissent et nourrissent l’algue qui, elle, sait garder l’eau des pluies et par ses pigments faire les synthèses métaboliques avec les éléments de l’air (oxygène, carbone et azote).

Les sols des origines

Les lichens encore aujourd’hui savent épouser le roc, boire l’eau des pluies et, opiniâtrement la conserver ! Et quand ils se dessèchent, ils ressuscitent dès que la pluie retombe et s’étendent toujours plus à la surface du roc. Les déchets de leur vie, soumis aux enzymes, deviennent une aubaine pour des myriades d’autres êtres élémentaires : virus, bactéries. Alors, surgissent des mousses, plantes cette fois munies de racines qui émettent d’autres enzymes ou acides qui dissolvent la roche. La chlorophylle dans la lumière travaille à plein, fabrique les nourritures. Autres métabolismes, autres déchets…

A la longue, il arrive que mousses et lichens meurent aussi. Leurs débris s’ajoutent aux autres débris. Cette mort devient alors une aubaine pour encore d’autres espèces de microbes et d’autres enzymes qui fragmentent et même assimilent la cellulose des cellules. Une pellicule brune et feutrée retient alors énergiquement l’eau et les minéraux : voici le premier sol vivant, le premier humus.

Au fil des millénaires, la couche brune accueillera d’autres déchets, d’autres corps morts, d’autres vivants, d’autres eaux, d’autres lumières du soleil.
A partir de cela, les plantes vont se complexifier avec des broussailles et fougères toujours plus abondantes et il va se former des forêts.

Même actuellement, l’humus de certaines forêts apparait comme bienheureux malgré tous les morts qui permettent le grand retour à la vie.

L’humus fait de belles terres fécondes car la terre arable des origines n’est pas que sable, argile, calcaire plus ou moins solubles mais avant tout un univers où grouillent ces multitudes de vies : où circulent les eaux de pluie, celles du centre de la terre où se trouvent des substances rocheuses à l’état colloïdal…

Dans cet humus, il y a imbibition profonde de l’air par pression atmosphérique, oxydations, nitrification, réductions enfin … engendrement.
Et puis cet humus contient pas moins de 75 à 80 % d’eau et puis tous ces minéraux dont notre corps a tant besoin.

L’humus c’est la matrice de santé des sols mais aussi de la nôtre. C’est la conjonction de la terre. C’est aussi synonyme d’humeur, d’humilité, d’humanité, d’humain et d’homme….

Cependant qu’avons-nous fait de nos espaces cultivables ?

Il y a quelques décennies, Michel Remy écrivait aux éditions « La vie Claire » : Nous avons brûlé la terre ». En fait il dénonçait avant tout le monde ce que l’on commence seulement à découvrir avec des personnes aussi originales que le couple Bourguignon.

En France, rares sont ceux qui tirent la sonnette d’alarme. Parmi eux, Lydia et Claude Bourguignon, fondateurs du Laboratoire d’analyse microbiologique des sols (Lams), spécialisé dans les techniques de préservation des sols agricoles. Selon ces agronomes, l’agriculture intensive a détruit près de 90 % de l’activité biologique dans certains sols cultivés d’Europe. « Les chambres d’agriculture reconnaissent qu’il y a un problème. Elles parlent de “fatigue des sols”, pour pudiquement dire “mort des sols” », observe Claude Bourguignon. « L’état des sols en France, en Europe et dans le monde est assez désastreux. Nous avons connu une chute extrêmement importante. En 1950, il y avait 4 % de matière organique dans les sols. Nous sommes descendus à 1,4 %. On ne peut plus descendre en-dessous de ce niveau », prévient Lydia Bourguignon.

Comment en est-on arrivé là ?

Les labours trop profonds entraînent une baisse de la qualité et de la quantité de la matière organique en surface, perturbent la faune et exposent les sols à l’érosion. L’emploi excessif d’engrais chimiques et de désherbants exterminent faune et bactéries. Et les cultures intensives, lorsque toute la plante est utilisée, y compris la tige et les feuilles, privent les sols de la matière organique qui les alimente. L’absence de haies ou de cultures « de couverture », qui protégeaient les sols, favorise l’érosion. Leur lessivage entraîne la mort chimique.

Roland Reymondier
Conseiller en produits de nutrition