Aujourd’hui, la fin justifie-t-elle encore les moyens ?

José Bové, Nicolas Hulot, Al Gore, des ministres, des chefs d’état, et bien d’autres personnalités scientifiques multiplient depuis des années les alertes sur la dégradation de l’environnement et certains tablent même sur une éventuelle disparition de la race humaine. En tant que citoyens, nous sommes donc bien avisés de les croire et de prendre la situation très au sérieux. Pourtant, l’actualité à ce sujet est étrangement contradictoire et nous laisse, à bien des égards, perplexes.
A travers 4 exemples significatifs, il est aisé de pointer du doigt les multiples incohérences avec le message ambiant.

Les gaz de schiste
Il est indéniable que nos élites martèlent le message d’une lutte incessante contre toute forme de pollution. Avec l’exploitation des gaz de schiste, ils essaient de nous rassurer car les permis sont suspendus avec interdiction pour l’instant d’utiliser la fracturation hydraulique connaissant ses lourdes conséquences pour la population. On pourrait se réjouir à court terme mais certains indices appellent à rester très vigilants. Ici et là, des voix autorisées se lèvent pour rappeler que nous sommes dans une profonde crise économique qui ne supporterait pas une nouvelle hausse des prix de l’énergie donc du pétrole et du gaz. Ils nous font remarquer que les Américains grâce à cette nouvelle exploitation de leur sous-sol sont tout près de l’autonomie énergétique. Grâce à des arguments percutants, populaires, qui touchent au portefeuille, gageons que les lobbyistes sauront encore une fois faire plier les gouvernants et nous démontrer que la fin justifie les moyens. Avons-nous encore aujourd’hui ce luxe ?

L’aéroport « Notre Dame des Landes » près de Nantes
C’est le merveilleux aboutissement d’un marketing technologique de belle facture (en effet, vu l’investissement !). Le dossier monté par Vinci est impeccable avec les toutes dernières ficelles en matière de « greenwashing ». Il faut savoir aussi qu’on conservera l’ancien aéroport. Ben voyons, il y a un industriel qui en a besoin. De nombreux citoyens (pas seulement les « anti capitalistes selon France Inter) ne sont pas du tout d’accord devant cette gabegie financière et environnementale. Il s’agit encore de la fin qui justifie les moyens ( des emplois, du trafic en plus) alors qu’on peut faire autrement, en dépensant moins sans agresser le milieu naturel.

Le parc de La Vanoise
Avec ce parc, nous avons là un des plus beaux fleurons de nos parcs nationaux. Il a été créé en 1963 , juste après le parc italien du Grand Paradis. C’est un régal pour les randonneurs qui sont nombreux aujourd’hui. L’été dernier, j’étais encore en haute-Maurienne, pour arpenter ses magnifiques sentiers. A l’occasion d’une journée de repos, j’ai voulu aller voir du côté de La Tarentaise en passant par le col de l’Iseran depuis Bonneval sur arc. Le contraste est saisissant entre le versant Maurienne où la nature a été très bien préservée et la Tarentaise avec ses multiples canons à neige sur roues, ses pylônes de téleski et de télécabine. Bref, c’est un environnement passablement bétonné, fruit d’une exploitation intensive de la montagne liée au business des sports d’hiver et même d’été. Durant ces dernières années, les tenants du développement intensif et les amoureux de la nature semblaient s’accorder sur un statu-quo en respectant la charte du Parc. Seulement, voilà que tout d’un coup, sous la pression de certains élus des communes périphériques du Parc, les bétonneurs repointent le bout de leur nez. On se remet à rêver d’une liaison par téleski et télécabine entre Bonneval sur Arc et val d’Isère. Ici ou là, d’autres élus ressortent des dossiers que l’on croyait enterrés car ne respectant pas les règles du Parc. La fin (plus de skieurs et de stations donc plus de chiffre d’Affaires) justifie-t-elle encore une fois les moyens ( bétonnage, pylônes, canons à neige,etc…) ? Le « statut quo » offrait des domaines vierges pour les uns et des téleskis pour les autres. Le parc, c’est l’image de plus en plus à la mode d’une nature préservée pour les amoureux de la raquette, du ski de fond et d’autres activités préservant l’environnement. Ce qui n’est pas contradictoire avec un commerce plus équitable.

A lire sur le blog d’Yves Paccalet pour en savoir plus

Le barrage de Belo Monte au Brésil
Dernier de nos exemples, le barrage de belo Monte a déjà fait l’objet de plusieurs articles sur ce site. Ce projet pharaonique (3ème barrage du Monde) est initié par le gouvernement brésilien. Il a pour but d’assurer dans 5 ou 6 ans, 11 % de la production d’électricité du Brésil. C’est dire si l’enjeu est important. Malheureusement, il se trouve en plein cœur de la forêt amazonnienne, dans une région habitée par plusieurs tribus d’indiens vivant ici depuis des siècles.
Peu importe, encore une fois, la puissance d’un état alliée à des intérêts technologiques veut passer en force. Malgré quelques négociations, à postériori et devant le fait accompli, des populations entières seront laissées sur le carreau. De plus, des km2 de forêt amazonnienne sont condamnés à disparaître. Ce qui rajoutera à une déforestation déjà très importante, conséquence des cultures de soja OGM pour les agro-carburants.

Pourtant, après RIO+20 et les multiples conférences gouvernementales sur l’environnement, de nombreux citoyens de par le monde rêvent d’une autre économie. Nous sommes nombreux à penser que c’est réalisable.. Grâce aux nouvelles technologies, nous savons qu’il est possible d’acquérir une autonomie énergétique au niveau d’une simple habitation. Cet exemple montre qu’on pourrait en le développant à grande échelle, limiter les technologies lourdes (barrages, centrales thermiques et nucléaires, etc…). en supposant, qu’on ait le désir de s’affranchir des lobbies. Nous sommes aussi nombreux à envisager de limiter notre consommation d’énergie.
C’est pourquoi, nous ne sommes plus d’accord que la fin justifie encore aujourd’hui les moyens. Ce qui est grave c’est que nous risquons à terme des révoltes, des insurrections et même une profonde désespérance. Les indiens d’Amazonie ne menacent-ils pas tout bonnement de se suicider ! Les citoyens ne croient plus au bonheur promis. Ils connaissent bien le prix à payer et l’expérience de ces dernières années prouve aisément l’inefficacité du système.

Bernard Burlet

Pour aller plus loin :

– Magazine La Maison écologique

Le centre Terre vivante

Fondation Ellen MacArthur

Bande-annonce du film « La Terre des Hommes rouges »

– A lire sur terraeco.net : cliquez ICI

– Sur la fracturation hydraulique :